dimanche 26 décembre 2010

2010
Une industrie d'avenir ?
Ce blog est en retard : j'avais perdu le mode d'accès. En retard, voici pourquoi.
Au cours d'un joli voyage dans le sud-ouest des USA, nous avons fait escale dans un joli village planté près d'un petit lac? levés de bonne heure nous avons pris la voiture pour visiter les ries coquettes et fleuries, bordée de villas endormie. Au détour d'une rue, surprise : un joli puma se promenant librement et ne parut pas effrayé par notre passage. Un peu étonnés pourtant, nous avons continué la route et rencontré un promeneur, humain cette fois. Nous le prévenons de la présence du chat En anglais, "cat" s'applique à tous les féline. L'homme rit ; il connait le puma, hôte respecté du village. En effet, la présence du lac et des poubelles débordant de restes alimentaires attirent de nombreux rats. Des gros ! Les combats avec les chats domestiques s'achèvent en général par la défaite de ces derniers. Saint Roch, patron de pestiférés, est toujours accompagné d'un chien ratier;( Origine du mot roquet ? ) Le gentil puma faisait donc la chasse aux rats et était respecté pour sa contribution à l'hygiène du village.
Je voulais écrire ce blog à l'occasion de la grève des éboueurs de Marseille/ Les rats commençaient à pulluler. Voici la proposition que je comptais faire : créer des élevages de pumas. Ces beaux félins plutôt timides craignent l'homme mais pas les rats. Ils seraient précieux pour les campagnes de dératisation. Animaux d'élevage, ils pourraient être exploités pour leur fourrure sans que B. B. n'y mette le holà. Ils feraient sans doute, avec un peu de doigté, de charmants amis et compagnons de jeux.
En conclusion, adoptez tous un puma.
Le puma est l'avenir de l'hommme
2010
Une industrie d'avenir ?
Ce blog est en retard : j'avais perdu le mode d'accès. En retard, voici pourquoi.
Au cours d'un joli voyage dans le sud-ouest des USA, nous avons fait escale dans un joli village planté près d'un petit lac? levés de bonne heure nous avons pris la voiture pour visiter les ries coquettes et fleuries, bordée de villas endormie. Au détour d'une rue, surprise : un joli puma se promenant librement et ne parut pas effrayé par notre passage. Un peu étonnés pourtant, nous avons continué la route et rencontré un promeneur, humain cette fois. Nous le prévenons de la présence du chat En anglais, "cat" s'applique à tous les féline. L'homme rit ; il connait le puma, hôte respecté du village. En effet, la présence du lac et des poubelles débordant de restes alimentaires attirent de nombreux rats. Des gros ! Les combats avec les chats domestiques s'achèvent en général par la défaite de ces derniers. Saint Roch, patron de pestiférés, est toujours accompagné d'un chien ratier;( Origine du mot roquet ? ) Le gentil puma faisait donc la chasse aux rats et était respecté pour sa contribution à l'hygiène du village.
Je voulais écrire ce blog à l'occasion de la grève des éboueurs de Marseille/ Les rats commençaient à pulluler. Voici la proposition que je comptais faire : créer des élevages de pumas. Ces beaux félins plutôt timides craignent l'homme mais pas les rats. Ils seraient précieux pour les campagnes de dératisation. Animaux d'élevage, ils pourraient être exploités pour leur fourrure sans que B. B. n'y mette le holà. Ils feraient sans doute, avec un peu de doigté, de charmants amis et compagnons de jeux.
En conclusion, adoptez tous un puma.
Le puma est l'avenir de l'homme

lundi 20 décembre 2010

Une industrie d'avenir ?

Ce blog est en retard : j'avais perdu le mode d'accès. En retard, voici pourquoi.
Au cours d'un joli voyage dans le sud-ouest des USA, nous avons fait escale dans un joli village planté près d'un petit lac? levés de bonne heure nous avons pris la voiture pour visiter les ries coquettes et fleuries, bordée de villas endormie. Au détour d'une rue, surprise : un joli puma se promenant librement et ne parut pas effrayé par notre passage. Un peu étonnés pourtant, nous avons continué la route et rencontré un promeneur, humain cette fois. Nous le prévenons de la présence du chat En anglais, "cat" s'applique à tous les féline. L'homme rit ; il connait le puma, hôte respecté du village. En effet, la présence du lac et des poubelles débordant de restes alimentaires attirent de nombreux rats. Des gros ! Les combats avec les chats domestiques s'achèvent en général par la défaite de ces derniers. Saint Roch, patron de pestiférés, est toujours accompagné d'un chien ratier;( Origine du mot roquet ? ) Le gentil puma faisait donc la chasse aux rats et était respecté pour sa contribution à l'hygiène du village.
Je voulais écrire ce blog à l'occasion de la grève des éboueurs de Marseille/ Les rats commençaient à pulluler. Voici la proposition que je comptais faire : créer des élevages de pumas. Ces beaux félins plutôt timides craignent l'homme mais pas les rats. Ils seraient précieux pour les campagnes de dératisation. Animaux d'élevage, ils pourraient être exploités pour leur fourrure sans que B. B. n'y mette le holà. Ils feraient sans doute, avec un peu de doigté, de charmants amis et compagnons de jeux.
En conclusion, adoptez tous un puma.
Le puma est l'avenir de l'hommme

jeudi 13 mai 2010

J. C. rides again...

Votre inquiétude concernant mon existence me touche et me ravit! Rassurez-vous, je reste encore virulent à 89 ans (bientôt) et je vais de nouveau répandre mon fiel et mon sel sur ce blog. Vos commentaires seront toujours les bienvenus; Je n'appelle pas commentaires les petites poubelles déversées de temps en temps par le schizophrène de service. Issu du monde médical je n'oublie pas qu'il ne faut pas jeter la pierre aux malades mentaux et mon regard de pitié ne comporte aucun mépris.
Attaquons. Mardi dernier, conférence sur mon père, le Dr Breitman devant nun public nombreux, chaleureux dont l'accueil me fait oublier vite mes petits problèmes de santé. merci à tous les amis connus et inconnus qui ont tenu à manifester leur attachement au souvenir de mon père. Un projet d'opuscule reprenant et élargissant les thèmes de cette conférence verra sans doute le jour dans un avenir proche. Il faudra quand même un solide travail Le texte à dire et entendre diffère du texte à lire. mais je ferai au mieux et continue à espérer qu'on m'enverra d'autres témoignages, d'autres documents

A Bientôt;

Jean-Claude

vendredi 10 avril 2009

Au secours

J'ai commencé cet appel sur Facebook,( FB pour me faire comprendre de ceux qui ne savent plus lire) pour la défense de la langue française, espèce en voie de disparition. Si je comprends et accepte les abréviations pour lancer des SMS, étant donné le peu d'espace octroyé par l'écran, je ne supporte pas, en tout cas je supporte mal, qu'on utilise les abréviations quand ni la place ni le temps ne vous sont comptés. Croisade passéiste si on veut, je vais m'imposer un effort de rigueur, éviter pour TJS et pour LGTPS, ces horreurs qui souvent ne servent qu'à masquer une ignorance crasse de l'orthographe et des plus simples règles grammaticales. Le respect de la langue dans les messages qu'on publie est une forme de politesse, autre espèce cruellement menacée. Je suis certain que je ne serai pas seul dans cette aventure qui nous vaudra, soyons en certain, critiques et quolibets. En route vers le martyre !

lundi 23 juin 2008

Suite du récit der Marcelin

Trois semaines plus tard, ayant réussi à se soustraire à la tendre surveillance de la Babette et de ses employées, Marcelin Baudet s’enfuit. Il avait le teint plus frais, les joues plus remplies mais ses jambes ne semblaient pas le porter avec fermeté
- Pourtant, mon garçon, interrompit le Chevalier Errant, tu avais mangé à ta faim et dormi tout ton saoul.
- Mangé, ça oui, reconnut Marcelin, mais pour ce qui est de dormir, la chose est difficile quand on est entouré de trop de jolies femmes !
- Je comprends, dit Bertrand-Benoît. Elles bavardent tant que tu n’as pu fermer l’œil.
Marcelin rit comme à une bonne plaisanterie puis cessa de rire en constatant que le chevalier était sérieux. Il le regarda avec étonnement et un brin de pitié avant de reprendre son récit.
À peine sorti de la maison d’étuves, il prit sa couse sans crainte d’être reconnu du guet. Une étuveresse lui avait taillé les cheveux, une autre l’avait frisé. Vêtu de neuf, chausses ajustées, pourpoint serré de velours violet à collet haut derrière et bas devant, toque rouge à plume de coq, bottes molles de cuir de Cordoue, il avait fière allure. Qui aurait confondu ce jeune damoiseau fortuné avec l’humble escholier, capette tueur de mouchard ? Il prit au hasard la route du sud, la rue du Faubourg Saint-Jacques. Il atteignit la Barrière et sortit de Paris par la porte d’Enfer. Les gardes chargés de tendre les chaînes qui contrôlaient l’entrée de la ville le regardèrent passer sans l’interpeler. Marcelin se demanda si tous les argousins de la Ville n’étaient pas à sa poursuite et se hâta de chercher un moyen de s’éloigner.
Il avisa un villageois menant par la bride un solide petit percheron à robe claire attelé à un léger charriot bâché. C’était l’occasion parfaite pour se dissimuler et quitter Paris. L’homme avait dépassé la quarantaine. Gros, rougeaud, vêtu d’une blouse bleue de paysan, coiffé d’un large béret de feutre, il avait une allure bonhomme et Marcelin pensa qu’il pourrait l’apitoyer. Il l’aborda, le chapeau à la main et le salua poliment.
- Dieu vous garde, Messire. Bel attelage que vous avez là. Ce cheval doit valoir une coquette somme... - Un compliment sur la monture flatte toujours le propriétaire. Marcelin poursuivit : - Et jolie carriole, robuste et entretenue avec soin. Il m’en faudrait bien une comme celle-là pour me rendre au plus vite... où je vais..
- Et peut-on savoir tu vas, mon petit jeune homme ?
Aïe ! Marcelin s’en tira en éclatant de rire.
- Assez loin pour ne pas être retrouvé par le père de ma belle...
- Ah, je vois ! Un fieffé polisson, hein !
Le ton était sévère mais les yeux du bonhomme pétillaient sous les sourcils en broussaille, démentant les paroles.
- Écoute, mon garçon, je rentre à Orléans après avoir livré un tonnelet de vinaigre à un apothicaire et un autre à une auberge. Si la direction te convient et si le cœur t’en dit je t’offre une place. Mon cheval n’est pas si vaillant que tu le penses et nous n’iront pas vite.
Dans la carriole régnait une odeur aigrelette évoquant au garçon les dortoirs surchargés de Montaigu, les corps mal lavés des pensionnaires et la paille pourrie des grabats. Mais ce n‘était pas le moment de faire le difficile. Ils s’arrêtèrent dans de bonnes auberges où le patron vinaigrier payait pour deux. En trois jours, on a le temps de bavarder. Le brave homme, sincère, se confia au garçon lequel, en retour, lui raconta n’importe quoi.
Le commerçant se présenta : Florent Meunier. Marcelin feignit de s’extasier de la coïncidence, prétendant se prénommer aussi Florent. Ce qui émut le bonhomme qui offrit d’héberger Florent Beaudet quelques jours. Le fugueur resta quatre semaines chez le commerçant, se reposant de son séjour aux étuves. Le brave homme savait un peu lire mais pas écrire, et comptait fort mal. Marcelin le persuada que ses affaires se trouveraient bien d’avoir un employé capable de gérer sa comptabilité et de ne pas faire d’erreur d’additions. Grâce à lui, quelques mauvais débiteurs furent contraints de rendre gorge. Le patron appréciait ce garçon serviable qui n’avait qu’un petit défaut : une propension à se laver trop souvent. Le séjour aux étuves avait converti l’ancien écolier.
Veuf sans enfants, n’ayant pour héritier qu’un lointain petit-neveu, ingrat de surcroît, le vinaigrier se proposa d’adopter Marcelin. Cela ne faisait pas l’affaire du garçon. Il avait goûté à la liberté et entendait bien ne pas la perdre. De plus, le vinaigrier recevait à sa table des officiers du guet, des échevins et des juges qu’intriguait la présence du jouvenceau.
- Allons, Maître Meunier, avouez la vérité : ce garçon est votre fils ! La preuve en est que vous lui avez donné votre prénom.
- Un enfant de l’amour, Maître Florent ?
Heureux et fier, Meunier jouait la discrétion, laissait planer le doute, Mais Marcelin avait hâte de fuir. Pendant deux autres semaines, Il cacha sa résolution à son hôte. Le vinaigrier devait livrer deux tonneaux à Blois. Le garçon profita de son absence pour partir. Il hésita à faire main basse sur les économies du commerçant. Un louable scrupule le retint. Dans un sursaut d’honnêteté, il se contenta d’en prendre la moitié. Il se rendit ensuite dans la Rue aux Juifs où il échangea ses habits de damoiseau contre des hardes moins susceptibles d’attirer la convoitise des larrons. Âprement disputée, la transaction lui rapporta quelques écus de plus.
Ainsi lesté, Marcelin Baudet prit la route.
Elle menait à Romorantin. Il y arriva un mois plus tard.


*

4

UNE CHAMBRE D’AUBERGE

- Bonne hôtesse, une chambre n’est pas mon premier souci, répondit avec douceur le Chevalier à l’offre de dame Claudine. Je prendrai telle chambre qu’il vous plaira m’octroyer...
Ces mots frappèrent l’aubergiste au cœur. Elle frémit, le souffle court, les joues empourprées. Telle chambre ? Pourquoi pas la mienne ? Elle s’embrouilla dans les mailles de son tricot. Ses yeux se portèrent de nouveau sur les charmes apparents de son hôte et c’est à peine si elle écouta la suite de ses propos
- J’ai vu dans votre cour un cheval bai qui me plairait fort s’il était à vendre...
Bertrand-Benoît fit une pause. Sa phrase contenait une question. Elle resta sans réponse. Il hésita :
- Un garçon, Marcelin... je ne sais plus quoi, soignait le cheval. Il ferait un bon écuyer si je pouvais l’engager...
Nouvelle question, nouveau silence. Dame Claudine continuait à le regarder sans le voir, laissant vaguer son imagination. Un jeune homme de cette trempe valait mieux que l’escholier tout juste pubère qu’elle avait recueilli à tout hasard. Ce chevalier devait bien égaler deux coqs ! D’autant que l’époux tirait sur la quarantaine et que le commis Quentin, un rustre, manquait singulièrement de fantaisie. Pensive, elle promena une main machinale sur la naissance d’un sein voluptueux. Cette séduisante femme brune dont une mèche s’échappait du bonnet empesé, possédait une peau souple et grasse de blonde. Ses doigts jouaient avec les lacets du corsage, les dénouant et libérant un peu plus la poitrine sans qu’elle y prît garde. De ses belles dents blanches, elle mordilla sa lèvre encore gonflée par la période qui s’achevait. Elle y passa la pointe de sa langue. Ne sachant comment interpréter son silence, encouragement ou fin de non recevoir, troublé par le spectacle lascif qu’offrait la belle aubergiste, le chevalier rougissant se décida à poursuivre.
- J’ai fait serment de... d’effectuer un pèlerinage à Jérusalem, de gagner le duché de Bourgogne en passant par la comté. Vous conviendrez qu’il m’est difficile, à moi, Bertrand-Benoît de la Tour de Chèvreville d’arriver en si petit équipage à la Cour des Ducs.
- Oui, bien sûr, marmonna Claudine.
- Je présume que votre bai vaut plus que Merline, ma mule blanche, mais je suis prêt à compenser la différence en écus d’or...
- Le nigaud ! pensa l’aubergiste. Mon Bayard vaut certes plus que sa mule, mais est-ce ainsi qu’on commerce, en décriant sa propre marchandise au risque de faire monter les enchères ?
Elle secoua la tête, apitoyée par ce grand dadais et un léger sourire glissa sur ses lèvres. Une fois encore, il ne comprit ni le geste ni le sourire. Il bégaya un peu, s’enferra davantage, incapable de donner un sens aux silences de l’hôtesse.
- Bien sûr, j’aurais préféré garder aussi la mule, mais je ne suis pas... riche. On m’a volé mon héritage... Maître Saint-Amand, le tabellion...
- Je le connais, fit dame Claudine avec une petite grimace.
Elle-même, à la mort de son époux, avait failli être victime des menées de Saint-Amand. Il avait tenté de faire valoir une prétendue promesse de vente du défunt. Mal renseigné, le tabellion ignorait que la veuve avait reçu l’auberge en héritage et que l’époux n’avait aucun droit sur le bien. S’ensuivit une dispute mémorable à laquelle assista tout le quartier quand le notaire vint aux Deux Coqs accompagné de quatre faux témoins, dont son ami le bedeau. Saint-Amand avait fini par fuir sous le riche répertoire d’insultes de dame Claudine et les huées de la foule. Elle ricana à ce souvenir et Bertrand-Benoît incapable d’interpréter cette réaction en bégaya deux fois plus.
- Je possède... Un petit trésule... Un pécor... euh... un pécule... Un trésor sauvé par la feue comtesse, ma maman. Mais, suffirait-il ?... Non, de toute évidence. Cela dit, je suis fort et courageux. Je... J’ai résolu de me faire Chevalier Errant. Et de consacrer mon épée Bon Conseil... je veux dire Fulgure, bien entendu, au soutien de nobles causes. Par exemple, le... Oh !... Il ne manque pas de nobles causes, n’est-ce pas, gente dame ? La foire rassemble d’honnêtes marchands mais elle attire aussi larrons et mécréants prompts à mal faire... Les archers du guet ne sont jamais là quand on a besoin d’eux. Je pourrais me mettre un temps à votre service... Chasser les trublions, ramener les violents à la maison... Je veux dire à la raison ! Bouter hors les ivrognes, interdire votre porte aux quémandeurs et malfaisants... Du moins, Pendant la durée de la foire...
- Quatre jours encore, pensa dame Claudine. Soit cinq nuits...
Elle hocha la tête, regarda le chevalier de haut en bas, l’évalua et, évoquant son époux et le premier commis, conclut en elle-même :
- Il tiendra bien jusque là...
Entre personnes de bonne foi, nul besoin de contrat, de traité, de signatures. Une parole suffit. Surtout si on invoque au passage quelque saint ou la Mère de Dieu, et qu’un serment sur la Croix scelle la transaction. Le marché était simple. Le temps de la foire, le Chevalier veillerait sur le calme et la tranquillité de l’auberge. Sa seule présence, sa taille, ses épaules larges, son épée, le prestige de son nom dissuaderaient les fauteurs de trouble, les ivrognes et les paillards de s’attaquer à dame Claudine et à ses meubles, ou de s’esquiver sans payer leur écot. La foire finie, Bertrand-Benoît repartirait monté sur un cheval digne de lui, suivi d’un écuyer chevauchant la belle mule blanche. Il se présenterait en bel équipage à Bois-Mésange pour faire ses adieux. Mais le trésor de la comtesse de Chèvreville aurait fondu.
Tel fut l’arrangement que dame Claudine Ambert réussit à faire accepter au Chevalier Errant. Elle regrettait un peu d’avoir à se séparer de Marcelin Baudet. Le garçon était un peu jeune mais il y a plaisir à guider les premiers émois d’un adolescent. En le ménageant avec sagesse pour qu’il dure. Mais l’écolier, de nature fugueuse, aurait fini par déguerpir sans crier gare. Afin de ne pas donner aux clients de l’auberge l’impression que le chevalier n’était rien d’autre qu’un nouvel employé, il suffirait de dire la vérité, solution pratique qu’on n’envisage que trop rarement.
Préparant son pèlerinage, le jeune comte de Chèvreville devait attendre aux Deux Coqs qu’on lui remette les sauf-conduits indispensables au voyage. Il en profiterait pour faire poser des fers neufs à sa monture, dorer ses éperons et changer la corde de son arbalète. Il trouverait bien un blasonnier pour repeindre son écu,
Il lui faudrait aussi obtenir des lettres de rémission pour le crime de Marcelin Baudet. Paris était loin, les échevins de Sologne n’entendaient pas se laisseR dicter leur conduite par ceux de la grande ville. Dame Claudine saurait plaider la cause de l’écolier. Les magistrats de Romorantin ne resteraient pas insensibles aux arguments que la belle voluptueuse saurait leur présenter à sa façon. Tout cela prendrait bien une semaine. En prime, l’aubergiste habillerait de neuf son faux nouveau commis. Elle prétendait avoir en réserve hauts de chausses, pourpoints et bottes à la taille du chevalier. En réalité, elle savait déjà où tout acheter et s’en occuperait dès que son hôte se serait restauré. Les Juifs de la ville étaient les plus honnêtes qui soient et on n’en avait pas trop tué ces derniers temps. Claudine se ferait un devoir d’aider le chevalier à enfiler ses nouveaux vêtements...

*

Passant par les courtines, un rayon de soleil vint chatouiller le nez de Bertrand-Benoît. Il éternua.
- Dieu vous bénisse, mon doux sire.
Le chevalier se redressa en sursaut sur le lit où il avait dormi presque assis et entièrement nu. Les courtines de toile bise s’étaient entr’ouvertes. Vêtue d’une simple camisole qui ne cachait rien de ses charmes, ses cheveux dénoués tombant en cascades sombres sur ses épaules rondes, dame Claudine lui sourit. D’une main hâtive, le Chevalier se recouvrit d’un drap pudique. Il balbutia :
- Mais qu’est-ce...
Soudain, la mémoire lui revint. Il avait fort bien calmé sa faim après avoir passé contrat avec l’aubergiste. On cuisinait dans la grande salle des Deux Coqs sous l’œil et le nez attentifs des clients. La vaste cheminée fumait un peu mais l’odeur suave des mets faisait oublier cet inconvénient. La vieille servante, Marthe, dont les talents culinaires en auraient remontré à Guillaume Taillevent lui-même gardait jalousement le secret de ses recettes. Claudine avait tenu à dicter personnellement le menu, choisissant les mets les plus aptes à échauffer le sang. Pâté de venaison fortement poivré, écrevisses flambées à l’eau-de-vie de prune, truffes en beignets évidées et farcies de foie gras, deux coquelets au vin de Saumur garnis de petits mousserons et parfumés à la muscade - la spécialité de la maison -, salade de cresson à l’huile de noix et, pour terminer, une omelette soufflée au miel.
Dame Claudine assurait le service, veillant à ce que le chevalier fasse honneur au repas. Seul petit point noir, le jeune comte ne but que de l’eau claire.
Repu, le chevalier avait ensuite essayé les vêtements promis. L’aubergiste ne put comme elle l’espérait aider Bertrand-Benoît à les enfiler. Pudique, il avait exigé d’être seul. Tout vient à point à qui sait attendre, jugea l’hôtesse avec une sagesse digne de la Margoton ou de dame Berthe. Elle était bien décidée à se rattraper la nuit venue.
Tous les employés des Deux Coqs, Marthe la cuisinière, Toine l’idiot chargé de couper le bois et d’entretenir les feux, Martin, le jardinier pied-bot qui régnait sur le potager de l’auberge, Blanche, l’obèse pédauque préposée aux chambres et éventuellement à leurs occupants et, bien entendu, Marcelin Baudet avaient été conviés par leur patronne à venir admirer le jeune comte de La Tour de Chèvreville.
Il faut le reconnaître, Bertrand-Benoît avait noble allure.
Les chausses rouges, les hauts de chausse noirs qui descendaient à mi-cuisse, fermés par une braguette triangulaire que retenaient deux boutons, la chemise bouffant dans l’échancrure des chausses, et le pourpoint vert, court et ajusté dégageant bien les fesses, étaient d’excellente qualité. Le marchand juif avait sorti ce qu’il avait de mieux dans sa boutique.
Claudine avait recousu elle-même le nœud tressé. Elle aurait voulu compléter la tenue par de hautes bottes molles mais Bertrand-Benoît tenait à conserver ses heuses. Il dut dire adieu à sa toque emplumée et adopter un feutre à bord large d’où pendait une plume d’autruche. Chapeau à la mode qu’il jugea ridicule. Pour ne pas vexer la trop généreuse hôtesse, le chevalier feignit d’admirer la coiffure, se jurant de la porter le moins souvent possible.
Promu officiellement premier écuyer, Marcelin avait eu droit lui aussi à des vêtements presque neufs qui firent de lui un écuyer présentable, veste courte à rayures vertes et rouges sur des hauts de chausse jaunes, bonnet de feutre noir relevé sur la nuque et allongé en bec sur le front. Il se mit aussitôt en campagne, menant Bayard chez le maréchal-ferrant. Ne trouvant pas de peintre en blasons à Romorantin, il résolut de repeindre lui-même l’écu de son nouveau maître et s’en tira avec honneur. Quant à faire plaquer d’or les éperons du chevalier, mieux valait n’y pas penser. L’orfèvre Papin exigeait une fortune pour ce travail.
- Doux sire, que diriez-vous d’une bonne sieste pour bien digérer, proposa Claudine. Blanche est assez paresseuse et les chambres d’hôte ne sont pas encore faites. Mais, en attendant, vous pourrez vous reposer sur mon propre lit. La porte est munie d’un loquet et nul ne vous dérangera. Bien sûr, vous ne pourrez garder votre pourpoint et vos chausses sans risquer de les froisser.
Elle n’avait pu assister à l’essayage des vêtements et pensait se rattraper sur le déshabillage. Une fois de plus son espoir fut déçu. Bertrand-Benoît accepta poliment son offre mais déclara avec fermeté ne vouloir quitter ses vêtements qu’à l’abri de tout regard. La pudeur est chose fluctuante. S’il trouvait normal de sortir nu de la rivière aux yeux des villageoises assemblées, il jugeait indécent de se dévêtir devant elles. Fine mouche, Claudine n’insista pas. D’autres tâches l’attendaient. Elle devait demander aux autorités le passeport permettant à Bertrand-Benoît de se rendre en Bourgogne, ce qui n’offrirait aucune difficulté compte tenu des quartiers de noblesse du chevalier.
Solliciter des magistrats la grâce de Marcelin Baudet risquait d’être plus délicat. Après tout, il y avait eu meurtre. Mais Paris était loin, les nouvelles ne vont pas vite, les lettres de justice non plus. Les vieux juges sont sensibles à la beauté et une main qui s’égare sur un sein royalement offert n’a jamais tué personne. Ces visites prendraient l’après-midi entière. Il importait seulement que dame Claudine fût de retour pour le réveil de Bertrand-Benoît, le souper et les suites qu’elle se promettait...

*
- J’ai honte, ma bonne hôtesse...
- De quoi, mon doux sire ?
- Ne suis-je pas… nu ?
- Tout à fait nu, beau chevalier.
- Et comment se fait-il que je sois couché ici ?
- Rien de plus normal, mon beau jouvenceau. Il n’y avait pas de chambres libres et vous aviez si bien soupé qu’il vous fallait un lit. Soupé... et bu !
- Voulez-vous dire... bu... du vin ?... C’était la première fois, dame Claudine, je vous le jure.
- Je vous crois. Et... c’était bien aussi la première fois pour ce que nous avons fait cette nuit ?
Bertrand-Benoît sursauta, la mémoire lui revint. Ainsi s’était soudain éclairci le mystère qui le troublait depuis plusieurs années. Il se rappela l’angoisse qui le saisissait certains matins en constatant qu’il avait souillé son drap. Redevenait-il un petit enfant incontinent ? Était-il atteint de quelque infection diabolique ? Quand il avait enfin osé s’ouvrir à la Margoton de ce trouble secret, elle avait éclaté de rire et avancé de si extravagantes conclusions, assortissant ses commentaires de précisions si salaces qu’il s’était enfui en se bouchant les oreilles. Et cette nuit, il avait...
- Jésus, Marie, Joseph ! Je suis damné !
- Pourquoi ?
- N’ai-je pas commis le péché de fornication ?
- Pas vous, beau chevalier, mais moi.
- J’étais votre complice, belle hôtesse.
- Ma victime, doux ami.
- Que Dieu me pardonne : j’ai péché pour la première fois...
- Pour les DEUX premières fois, rectifia dame Claudine.
Bertrand-Benoît sentit le rouge lui monter aux joues.
- Je suis donc deux fois coupable...
- Non, dit l’aubergiste. C’était le même péché puisque vous ne vous êtes pas confessé entre les deux.
Cette curieuse arithmétique ne convainquit pas le chevalier. Dame Claudine entreprit de lui rappeler ce qui s’était passé entre eux. Avec un luxe de détails qui l’émurent et réveillèrent en lui la bête assoupie. D’un geste vif, l’aubergiste rabattit le drap et se laissa tomber en travers du lit, gourmande.

lundi 16 juin 2008

Hisstoire de Marcelin Baudet

*

Noël 1499, quelques mois donc avant le vœu du Chevalier.
Marcelin grelotait. Sa cape de mauvaise laine grise percée par l’usure et les mites ne lui tenait pas chaud. Quand coulait en lui la veine poétique, le garçon tendait la cape sombre à bout de bras; le soleil ou la lune passant au travers des trous semblait allumer des étoiles sur le triste tissu. Mais la poésie ne nourrit pas son homme et Marcelin avait le ventre à peu près vide quand il commit son crime. Le petit morceau de pain rassis fourni au lever du jour par l’économe du Collège ne l’avait pas rassasié. Il devrait attendre le soir pour avaler une soupe claire et grignoter une pomme.
Marcelin réprima un éternuement qui aurait pu le dénoncer et grelotta de plus belle. Une petite pluie froide avait transformé en patinoire les rues du quartier et le garçon avait glissé dix fois dans la rue de la Montagne. Ses galoches à semelles de bois n’étaient pas cloutées. Tapi dans l’angle d’une porte cochère, il tendit l’oreille pour savoir si les argousins lancés à ses trousses avaient retrouvé sa trace. Sa course ne l’avait pas réchauffé. Dilemme insoluble. Il devait fuir le plus vite possible. Mais plus il courait vite, plus le bruit de ses semelles claquant sur le sol durci attirait l’attention. Encore heureux qu’on n'ait pavé que le caniveau, au milieu de la rue ! Il grelotait autant de froid que d’appréhension. Sa misérable cape grise risquait d’attirer l’attention des archers. La quitter serait offrir à la bise qui soufflait de la Seine une culotte aussi trouée que la cape.
Un cri l’alerta :- Gare l’eau !
Une fenêtre venait de s’ouvrir et une commère vidait dans la rue un vase de nuit dont le contenu rata le peu le garçon. Il insulta copieusement la femme qui lui répondit par un chapelet d’injures avant de refermer sa fenêtre. Marcelin s’en voulut aussitôt d’avoir manqué de prudence. Ce n’était pas le moment d’attirer l’attention.
Une seconde, il envisagea de revenir au collège. Il n’y aurait pas plus chaud car Maître Jean Standonck, ce vieil avare de principal, fournissait le bois avec parcimonie. Les cheminées ne réchauffaient que ceux qui se pressaient sous le manteau, dos glacé et ventre rôti. Du moins, le vent ne soufflait-il pas aussi fort dans les couloirs de la vieille demeure que dans les ruelles du quartier latin.
- Mon garçon, rentrer serait une très mauvaise idée : les argousins ont dû obtenir mon signalement des quelques passants qui ont assisté à la rixe entre le vagabond et moi...
Sa cape l’avait dénoncé comme une capette, pauvre élève du pauvre collège de Montaigu, situé sur la rue des Sept-Voies. Les sergents devaient déjà monter la garde près de la porte de l’institution. S’il se présentait, il y a gros à parier qu’on aurait tôt fait de le traîner au Châtelet. Ou, pis encore, de le jeter simplement dans la Seine pour éviter les frais d’un procès.
Six heures sonnaient à l’horloge de la Sorbonne. Il était sorti au gris de la nuit pour mendier son pain, comme tous ses camarades devaient le faire. Standonck appliquait des règles strictes; la pauvreté était la vertu chrétienne qu’il prônait le plus volontiers. Le principal imposait un jeûne rigoureux à ses pensionnaires. À Montaigu on faisait maigre sept jours sur sept.
- Les privations rapprochent de Dieu, professait Standonck. Un estomac vide ne porte pas au sommeil. On en écoute d’autant mieux les leçons de morale.
L’écolier était censé rentrer pour la prière du matin et la première leçon de latin. Montaigu était une grande école...
- Une grande école ? coupa Bertrand-Benoît.
- Oui, grande parce qu’on y enseigne le latin, dit Marcelin.
- Et... les petites écoles ? l
Marcelin sourit.
- Les petites écoles, les écoles françaises, n’ont pas cette chance ! Si on peut dire. En revanche leurs élèves sont mieux logés que nous; ils dorment sur de la paille presque propre. Cela m’est arrivé aussi quelquefois, quand j’avais eu la bonne fortune d’aller à Montpipeau
- Pour y acheter de la paille ? questionna Bertrand-Benoît , surpris.
- Décidément, sire Chevalier, vous n’avez jamais beaucoup voyagé.
- C’est vrai, mais pourquoi dis-tu cela ?
- Aller à Montpipeau, c’est simplement tricher avec des dés... pipés.
Il aimait jouer contre les provinciaux trop naïfs. Il gagnait à tous coups. La petite escarcelle plate qui pendait à sa ceinture ne contenait pas d’argent mais les fameux dés. Pour avoir sa paille, il suffisait à Marcelin de glisser quelques deniers à Renaudin, l’économe, professeur de calcul arithmétique, compatriote de Standonck et son âme damnée, eunuque obèse tripoteur de jeunes élèves.
Les parents adoptifs de Marcelin, honnêtes vignerons des coteaux d’Auteuil, avaient espéré que leur faux rejeton prendrait leur suite et continuerait à produire l’excellent petit vin qui avait fait leur renommée. Sans enfants, ils avaient recueilli un bébé trouvé sur un tas de fumier près du Faubourg Saint-Honoré, dans la ruelle Baudet. Ce qui avait valu à l’enfant ce patronyme animalier peu flatteur. Marcelin avait dû être abandonné par ses vrais parents quand ils avaient constaté qu’il était bossu. Le garçon venait de fêter ses dix ans quand ils moururent d’une forme de lèpre. Les médecins prouvèrent de façon irréfutable que les époux n’en seraient pas morts s’ils avaient adressé toutes les prières requises à saint Loup. Il y avait eu là mauvaise volonté de la part des malades, ils méritaient donc leur sort.
On confia le gamin à une vieille cousine jouissant d’un beau revenu. Le confesseur de la dame espérait qu’après l’avoir couché dans son lit, elle le coucherait sur son testament. Il vit arriver sans plaisir le jeune héritier. Il lui fallut quelques années pour convaincre sa vieille maîtresse de se débarrasser de Marcelin en le plaçant au collège.
Il avait treize ans quand il entra au collège de Montaigu. Ses compagnons le surnommèrent Beau-Bignon, à cause de sa bosse. Il fut intronisé le jour des Saints Innocents suivant le rituel appliqué aux nouveaux, les Béjaunes. Rituel rigoureux à base d’eau glacée et de coups. Marcelin faillit en crever. Il subit deux ans les tendresses de Renaudin. Un solide coup de poing sur le nez mit fin aux exploits de l’économe avec lequel Marcelin ne garda plus que des relations d’affaires. À seize ans maintenant, il connaissait un peu de latin et d’Histoire sainte. Les jeux de hasard lui avaient appris les trois opérations. Bagage intellectuel suffisant pour réussir dans la vie quand on sait parler argot, chaparder sur les marchés, tricher aux cartes et aux dés, courir vite. Le garçon possédait un visage effronté grêlé de petite vérole. Il avait des yeux rieurs sur lesquels retombait une masse de cheveux couleur paille et un nez insolent qui jouait des narines comme on joue des coudes pour se faire voir dans un semis de taches de rousseur. Un perpétuel sourire errait d’ordinaire sur ses lèvres.
Pourtant ce matin-là, Marcelin Beaudet ne souriait pas. Il remontait la rue de la Montagne Sainte-Geneviève quand il avait aperçu une demi-boule de pain oubliée sur une borne cochère ou déposée par quelque âme charitable.
- Un miracle ! s’est écrié Marcelin.
- Un miracle! s’écriait en même temps un jeune homme aussi pauvrement vêtu que Marcelin.
- J’ai vu le pain avant toi, dit Marcelin
Ce qui était vrai.
- Mais je suis plus fort que toi, rétorqua l’autre.
Ce qui était également vrai.
Marcelin pensa que son compétiteur sortait du collège de Navarre tout proche.
Ce qui était faux.
En réalité, le jeune homme avait tout du vagabond, besace sur l’épaule, jaque de grosse toile et chapeau informe. Il serrait dans sa main un bâton à deux bouts - un gros et un petit - et semblait décidé à s’en servir. Marcelin et lui se tenaient de chaque côté de la borne, chacun guettant l’autre. Aucun d’eux ne se risquait à tendre la main vers le butin convoité. Il aurait fallu se pencher, offrir sans défense sa tête et sa nuque.
Un troisième rival s’était alors manifesté, un grand chien noir, maigre et sale, le poil hirsute, bavant de désir devant le quignon de pain. La présence des deux hommes et du bâton suffit à le tenir à distance. Le bâtard restait assis, l’œil alerte, attendant que la chance le favorise.
Un énorme rat noir hérissé, trempé, traversa la rue sur la pointe des pattes espérant vainement ne pas se mouiller. Il s’arrêta, frémit des moustaches en voyant le chien, semblant le rendre responsable des intempéries. Le chien noir hésita une seconde. Devait-il se lancer à la poursuite du rat sans doute plus agile que lui, tenter un affrontement à l’issue douteuse ou continuer à guetter le pain ? Cependant, le collégien de Montaigu jugeait plus sage de composer.
- L’ami, partageons la miche. Il y en a suffisamment pour deux..
- Il y en aura encore plus pour un seul.
Marcelin feignit de s’étonner :
- Voudrais-tu m’abandonner ta part. Cela dénote une âme charitable et une générosité toute chrétienne...
- Ne fais pas le drôle, capette ! Ôte-toi de là, ou gare...
Quelques passants, sentant venir l’orage, avaient prudemment hâté le pas et disparu. Des voisins se penchaient aux fenêtres pour voir la suite de la querelle Quelques-uns même engageaient des paris. Le vagabond brandit son gourdin, tenu par le petit bout. Le chien noir se releva, recula, les pattes raidies, en montrant les dents et en grondant. Le vagabond le menaça.
- Toi, le bâtard, cesse de grigner où je te renvoie à saint Roch.
Le chien n’insista pas. Il tourna la tête : le rat avait disparu dans un soupirail de cave. Mieux valait attendre encore un peu.
Marcelin ne se sentait pas de taille à sortir victorieux de l’affrontement. Il amorça un demi-tour et retraita. Fier d’une facile victoire, décidé à la conclure de façon glorieuse en assommant l’écolier, l’autre leva son bâton. Marcelin tendit la jambe et le ribaud s’étala. Dans sa chute, sa tête heurta la borne. Étourdi, il lâcha son gourdin. Marcelin s’en saisit, le brandit à son tour et voulut l’abattre sur les jambes de son adversaire. S’il ne lui brisait pas le tibia, le genou ou la cheville, du moins lui ferait-il assez mal pour que l’autre n’essaie pas de le poursuivre.
Malheureusement pour les deux, le vagabond tenta de se relever au moment où le gourdin s’abattait, ratant la jambe mais pas le crâne. Il y eut un craquement de mauvais augure. Un filet de sang coula d’une oreille de la victime qui s’immobilisa, sans vie. Marcelin prit la fuite, abandonnant le cadavre, le gourdin et le pain. Le roquet profita de l’aubaine, s’enfuit à son tour, n’emportant que le pain. Le garçon redescendit en courant la Montagne Sainte-Geneviève, glissant sur le verglas, tombant, se relevant pour fuir encore, pleurant de peur et de rage.
Une grosse femme se pencha à sa fenêtre au risque de faire déborder un sein de sa camisole, et piailla. Bientôt, des archers du guet royal accoururent. Quatre hommes et un sergent. Le chef regarda le mort. Pas de doute, c’était un des leurs, un des espions chargés de surveiller discrètement la gent estudiantine. Furieux, le sergent, donna des ordres.
- On doit retrouver l’assassin.
- Il sera pendu ! dit un des archers.
La femme tendit le bras.
- Il s’est sauvé par-là.
- Vous l’avez vu, ma belle ? demanda le sergent.
Cette flatterie imméritée fit rougir la grosse commère qui minauda avant de préciser :
- Il est tout jeune et porte une cape grise.
- Un étudiant, grogna un argousin. Il dépend de l’Université et appartient à la justice d’Église. Ça va faire des tas d’histoires si on le fourre en prison.
- Qui parle de ça ? dit le sergent. Je vous demande seulement de le retrouver. Nous ferons justice nous-mêmes... J’ai un compte à régler avec les capettes. Pendant la dernière grève, un de ces brigands a failli m’assommer.
Marcelin fuyait toujours. Il traversa la place Aubert qui tirait son nom de Maître Albert, Magister Alberti, selon les uns, et de Mau Berg, mauvaise montagne, selon son professeur de latin, curé défroqué, qui y voyait le triste souvenir de la victoire de Labienus...
Bertrand-Benoît interrompit le récit du jeune garçon.
- Alberti ? Qui c’est ?
- Je ne l’ai jamais su, avoua Marcelin, et je ne m’en porte pas plus mal...
- Moi non plus. Et Labienus ?
- Idem.
-. Continue donc...
- J’allais m’engager dans une ruelle quand un balayeur pied bot m’a crié un avertissement. Évidemment, je n’ai pas compris.
- Pourquoi ?
- Je vous l’ai dit, sire chevalier : c’était un balayeur...
- Et alors ?
Marcelin regarda Bertrand-Benoît avec étonnement : ce jeune seigneur ne savait rien de la vie ! Il expliqua que l’homme, un Breton, avait crié dans sa langue. Presque tous les hommes de sa corporation venaient de Bretagne. Ils arrivaient avec leurs fagots de genêt et étaient vite embauchés pour balayer tout ce qui souillait les rues, paille pourrie, rats crevés, os de volailles, merdes de chiens, trognons de choux, épluchures de navets, bébés morts-nés ou étranglés.
Le garçon reprit son récit. Le geste du pied-bot était explicite. Marcelin vira donc à angle droit dans une autre ruelle. Juste à temps. Derrière lui résonnaient le pas des archers et le cliquetis des épées. S’il n’était pas grand, Marcelin était agile et la peur lui donnait des ailes.
Le bruit des pas de ses poursuivants se rapprocha, augmenta. Une autre patrouille, menée par un chevalier du guet, avait rejoint la première. L’écolier manqua de peu s’engager dans un cul-de-sac, l’Impasse Coupe-Gorge. Là, grouillaient de faux estropiés entretenant leurs plaies avec la clématite, l’herbe aux gueux, et des sabouleux jouant le haut-mal en faisant mousser un morceau de savon dans leur bouche. D’autres se frottaient le visage avec de l’amadou pour se donner un air maladif et apitoyer les passants, les amadouer. Même les archers n’oseraient le poursuivre dans cet enfer. D’un autre côté, à moins d’être introduit dans une des bandes, nul ne se risquait dans cette impasse-là.
Entendant les cris des sergents et le martèlement des bottes, les bourgeois se barricadaient chez eux, redoutant une sédition. Des commerçants inquiets plaquaient des volets de bois sur leur boutique. Ils s’interpellaient, se disputaient, s’accusant les uns les autres de la présence de la police. L’un d’eux n’aurait-il pas enfreint un édit, oublié de payer une redevance ou une amende, recueilli chez lui un Juif déicide ? On ressortait de vieilles querelles, on brandissait poings ou bâtons. La course de Marcelin allait-elle déclencher une émeute ? Le garçon fuyait toujours. Aurait-il le temps de traverser la Seine pour réclamer asile à Notre-Dame ou à l’église Saint Jacques de la Boucherie ? Il hésita, tournant en rond dans ce quartier Saint-Benoît qu’il connaissait si bien. Il se réfugia un moment sous un porche avant de repartir, entra dans la Ruelle des Étuves. Une porte entrebâillée se présenta enfin au fuyard. Il la poussa, entra, referma la porte et s’y adossa, essoufflé.
L’air fleurait bon le savon; une vapeur chaude régnait dans la pièce. Des rires de femmes résonnaient sous les voûtes basses soutenues par des piliers massifs. Une grosse étuveresse s’approcha de Marcelin.
- Il est trop tôt, mon beau jouvenceau, dit la femme avec un sourire avenant. L’eau n’est pas encore assez chaude et les bains de vapeur ne fonctionnent qu’en fin de matinée...
Elle s’interrompit, regarde mieux le garçon. Il était trop jeune pour avoir besoin d’une suerie destinée à faire sortir du corps par sudation ces vilaines maladies nouvelles qu’attrapaient débauchés et luxurieux dans leurs orgies. Puis elle nota les chausses déchirées et surtout la cape trouée qu’elle reconnut. Il ne s’agissait pas là d’un client matinal.
- Que se passe-t-il, capette ?
- Le guet, balbutia Marcelin..
Une demi-douzaine de jeunes femmes étaient apparues, étuveresses et masseuses solidement bâties. Toutes portaient des sabots aux pieds; des tabliers recouvraient les amples jupes de grosse toile et des bonnets encadraient des visages rougis par la chaleur des feux. Les manches roulées des chemises laissaient voir des avant-bras musclés.
- Des archers, hein ? grogna la patronne.
Elle poussa rapidement les verrous de la porte. Elle n’aimait pas les sergents du guet. Abusant de leur autorité, ils exigeaient bains et massages gratuits et ne se privaient pas pour frapper la maison d’amendes à la moindre dérogation aux arrêtés multiples et souvent contradictoires régissant la profession des Étuveurs. La maison, propriété d’un riche marchand nommé Jacques James, avait bonne réputation à l'inverse de bien d’autres qui n’étaient que des bordels.
Quelques ordres rapides de Babette : Marcelin Baudet fut happé, entraîné, absorbé par l’essaim de femmes. Il était temps. Un Je Vous Salue Marie plus tard, des coups rudes frappés à la porte et une voix autoritaire annoncèrent l’arrivée des argousins. L’accorte patronne prit tout son temps pour déverrouiller la porte. Elle feignit de s’étonner de la présence des archers. Ceux-ci auraient dû savoir qu’il est trop tôt pour les bains et que ...
- Il ne s’agit pas de ça, Babette, coupa le chef. Nous cherchons un garçon avec une cape grise. Est-il venu ici ?
- Vous savez bien que ce n’est pas l’heure...
- Tu fais exprès de répondre à côté ? Mes hommes fouillent toutes les maisons du quartier à sa recherche. Fais attention à toi et à tes employées. Malgré son jeune âge, ce capette est dangereux. Un meurtrier...
- Sainte Marie, Mère de Dieu, protégez-moi ! s’écria la Babette en multipliant les signes de croix. Si je le vois, je ne manquerai pas d’envoyer une des miennes vous prévenir...
Le chef ne sembla pas convaincu.
- Ouais !... On va quand même fouiller chez toi. Fais venir tes filles.
Quelques instants plus tard, les archers se répandaient un peu partout. Il y avait peu de cachettes possibles dans l’établissement. À tout hasard, les hommes regardèrent dans les chaudrons, plongeant l’épée dans l’eau en ébullition, escaladant les tas de bois du bûcher.
Ils descendirent au sous-sol pour regarder flamber le grand feu de l’hypocauste dont les tuyaux amenaient la chaleur dans les salles de sudation, inspectèrent les cuveaux de bois et les armoires à linge. Sans rien trouver. Pendant ce temps, le chef faisait les cent pas devant les femmes alignées devant lui. Il s’arrêta soudain, revint vers une jeune étuveresse qui baissa les yeux pudiquement.
- C’est une nouvelle ?
- La fille de mon frère Antoine, dit Babette. Autrement dit ma nièce. Elle arrive de sa Normandie pour apprendre le métier. Là-bas, il y a des fièvres... et des Anglais. Je l’ai prise par charité, je ne pouvais pas refuser d’accueillir un membre de ma famille.
- Ah, la famille ! railla un sergent qui n’en avait pas.
- Vous pouvez le dire, soupira Babette. C’est jeune, un peu niais et ça ne sait pas faire grand chose.
Le chef regarda la nièce. Elle était petite, le bonnet rond encadrait un visage ingrat que déparaient encore des taches de rousseur. Le sergent loucha sur une poitrine on ne peut plus plate et hocha la tête.
- Quitte à te décevoir, Babette, dit-il, je crois que ta nièce ne sera jamais une très jolie fille.
La nièce pouffa d’un rire imbécile et se cacha le visage derrière sa main. Babette soupira.
- J’en suis bien certaine, hélas ! messire Chevalier. Regardez : ça la fait rire ! Elle est vraiment trop idiote. Il paraît que c’est à cause de l’eau qu’on boit par chez eux. En plus, ça donne des goitres.
Babette continua d’énumérer les méfaits de la vie à la campagne mais le sergent n’écoutait plus. Il s’impatientait, inquiet du temps que mettaient ses hommes à fouiller l’établissement. Il est vrai que plusieurs étuveresses les avaient accompagnés pour leur ouvrir les portes. La fouille des archers avait parfois dégénéré. Ils revinrent enfin, bredouilles. Le sergent jura pour affirmer son autorité puis repartit suivi de la patrouille. Babette attendit un instant sur le seuil de la porte, laissant décroître le bruit des pas; puis rentra et referma les verrous.
- Merci à vous toutes, gentes dames, s’écria alors Marcelin en retirant son bonnet d’étuveresse. Vous m’avez sauvé la vie.
Le chevalier l’interrompit de nouveau, émerveillé :
- C’était donc toi, Marcelin ?
- Bien sûr.
- Toi, déguisé en fille ?
- Oui, sire chevalier. Vous ne l’aviez pas deviné ?
- Ma foi non ! Mais continue...
Le garçon jura aux étuveresses qu’elles n’avaient pas obligé un ingrat. Il saurait se souvenir d’elles toutes.
- Tu es un brave garçon, dit la grosse Babette. Et crois bien que chacune de nous est heureuse d’avoir pu t’accueillir. Et sans doute, te sauver.
Toutes les étuveresses sourirent et acquiescèrent.
- Je ne veux pourtant pas abuser de votre hospitalité, reprit Marcelin. Je vais remettre mes vêtements et...
- Quels vêtements ? Nous les avons brûlés. Ce n’est pas grande perte.
- J’avais une escarcelle…
- Un peu plate, et ne contenant que trois dés qui ne m’ont pas semblé de très bon aloi. - Un souvenir de famille, dit Marcelin avec émotion.
- La voici. Quant à tes galoches, le cuir en était racorni et les semelles de bois juste bonnes à finir au feu. Si les archers du guet avaient trouvé ta cape, nous couchions toutes au cachot ce soir. Quant à toi...
Une certaine angoisse saisit le garçon.
- Mais je dois rentrer au collège.
- La rue n’est pas encore sûre. Mieux vaut te cacher encore quelques jours ici.
- Je ne peux pas rester tout ce temps-là vêtu en fille !
- Demain ou après-demain, nous te chercherons des vêtements. Nous avons des fripiers dans notre clientèle.
- Qu’est-ce que je vais faire, moi, en attendant ?
- Empreu, tu vas prendre un bain, ordonna Babette. Les filles qui se sont occupé de toi et t’ont habillé m’ont dit que tu n’étais pas très propre.
- Comment, pas propre ? s’insurgea le garçon. Tous les matins, je me passe les mains et le visage à l’eau claire, je me frotte les dents avec de la cendre et je me rince la bouche avec du vinaigre. Toutes les deux semaines, nous nous lavons les pieds et une fois par mois, nous avons droit à un bain complet dans la Seine. Quand il ne fait pas trop froid évidemment.
- Tu verras comme tu te sentiras mieux après un bon bain chaud. Il te fera retrouver l’appétit.
- Je ne l’ai jamais perdu, hélas ! soupira Marcelin.
- C’est bien normal, reconnut la Babette, attendrie. Un enfant doit manger.
- Je ne suis plus un enfant, protesta le garçon, j’ai seize ans d’âge !
Les étuveresses s‘entre-regardèrent d’un air ému. Seize ans ! Les poitrines se gonflèrent, palpitant dans ce qui devait être un réflexe maternel.
- Tu as couru, tu es fatigué, reprit la Babette d’une voix douce. Rien de tel qu’un bain chaud suivi d’un massage pour restaurer tes forces.
- Je n’en doute pas, gente dame. Pourtant, Maître Standonck professe que les bains ramollissent l’âme et sa piété lui interdit d’en prendre jamais..
L’étuveresse qui, tout en restant fort séduisante, semblait la plus vieille du lot avec ses vingt-cinq ans, intervint après un ample signe de croix.
- Le Seigneur ne lavait-il pas les pieds aux pauvres et le Saint Apôtre de Rome ne fait-il pas de même ?
- Oui, dit Marcelin, mais une fois l’an. Ce qui est acceptable. De plus les bains portent à la débauche et à la concupiscence.
- Vraiment ? dirent les femmes en chœur.
Elles échangèrent un regard ravi...